Le principe de Jordan : S’assurer que les enfants autochtones ont accès à tous les soins.

Le principe de Jordan est un principe qui place en premier l’intérêt de l’enfant et qui demande au gouvernement contacté en premier de s’assurer que les enfants des Premières Nations ont accès aux services publics de santé au même titre que tous les autres enfants canadiens. Jordan River Anderson était un enfant des Premières Nations de la Nation Crie de Norway House au Manitoba. Il est né avec une maladie complexe et ses besoins ne pouvaient être traités sur la réserve. Il est donc demeuré plus de deux ans dans un hôpital de Winnipeg avant que les médecins acceptent qu’il puisse quitter l’hôpital pour être soigné en milieu familial. Cependant, en raison de conflits de compétences entre les gouvernements fédéral et provincial pour déterminer qui assumerait les coûts des services de soins à domicile, puisqu’il était un enfant des Premières Nations, Jordan a passé plus de deux ans supplémentaires à l’hôpital inutilement, avant de mourir en 2005. Il avait 5 ans et n’a jamais passé une seule journée en milieu familial.

Il n’est pas inhabituel que des enfants des Premières Nations soient laissés en attente de services dont ils ont désespérément besoin ou qu’on leur refuse des services qui sont accessibles aux autres enfants. Outre les services de santé, mentionnons les services d’éducation, les services relatifs à la petite enfance, aux loisirs, à la culture et à la langue. Le principe de Jordan vise à remédier à cette situation en effectuant ce qui suit :

  • S’assurer que les enfants des Premières Nations ont accès à tous les services publics, peu importe où ils habitent.
  • Prendre en considération leurs besoins culturels uniques et les inconvénients historiques associés à la colonisation.
  • Éliminer les refus, les retards ou les interruptions de services en raison de leur statut d’enfant des Premières Nations, qu’ils vivent ou non sur une réserve.
  • Supprimer la bureaucratie en s’assurant que l’organisme gouvernemental de premier contact paie pour les services sans délai et demande le remboursement plus tard de sorte qu’aucun enfant n’est pénalisé en raison de conflits de compétences.

La mise en œuvre du principe de Jordan par les gouvernements fédéral et provincial a été inadéquate, selon les examens indépendants demandés par la Société canadienne de pédiatrie et l’UNICEF en 2012. Cette question a été soulevée dans la cause du Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. Canada relativement à l’incapacité des gouvernements à rembourser au conseil de bande de Pictou Landing les coûts associés au fils de Maurina Beadle, Jeremy Meawasige, qui nécessitait d’importants soins à domicile. La Cour fédérale a statué que le principe de Jordan a force exécutoire pour le gouvernement du Canada et lui a ordonné de rembourser immédiatement les coûts associés aux soins de Jeremy.

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Dans une décision rendue en janvier 2016, le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé que l’interprétation étroite que le gouvernement donne au principe de Jordan était discriminatoire envers les enfants des Premières Nations et fondée sur la race et l’origine ethnique. Le Tribunal canadien des droits de la personne a donc ordonné au gouvernement de « cesser d’appliquer sa définition étroite du principe de Jordan et de prendre des mesures pour l’appliquer immédiatement selon sa pleine signification et son entière portée ».

En juillet 2016, par suite des décisions rendues par le Tribunal canadien des droits de la personne, le gouvernement du Canada a annoncé une nouvelle approche et une nouvelle définition élargie du principe de Jordan. En guise d’appui au principe de Jordan, le gouvernement a lancé l’initiative Les enfants d’abord, d’une durée de trois ans, qui vise à aider les enfants des Premières Nations à avoir un meilleur accès aux soins de santé et aux services sociaux. Cette initiative vise ce qui suit :

  • Améliorer l’accès aux services et fournir le soutien aux enfants des Premières Nations.
  • Aider le Canada, les provinces et les territoires, ainsi que les fournisseurs de services à comprendre l’étendue des difficultés que les enfants des Premières Nations doivent affronter pour obtenir des services indispensables, ainsi que cerner les lacunes relatives aux soins et aux services pouvant faire l’objet de conflits de compétence.

Le gouvernement s’est engagé à fournir jusqu’à 382 millions de dollars pour améliorer la coordination des services et l’accès aux soins de santé et aux services sociaux à l’intention des enfants des Premières Nations sans qu’il y ait de lacunes dans les services gouvernementaux. Ces lacunes sont associées, mais sans s’y limiter, aux services de santé mentale, d’éducation spécialisée, de soins dentaires, de kinésithérapie, d’orthophonie et de physiothérapie, ainsi qu’à l’obtention d’équipement médical. L’initiative Les enfants d’abord présente une approche intérimaire en quatre volets :

  1. Amélioration de la coordination des services pour aider à identifier de manière proactive les enfants qui ont des besoins et à assurer les services.

  2. Financement pour résoudre le problème d’accès à des services qui permettront de répondre aux besoins non comblés des enfants des Premières Nations en matière de santé et de services sociaux, et qui peuvent survenir en raison de conflits de compétence ou de services qui ne sont pas offerts à une communauté des Premières Nations.

  3. Collecte de données, rapports d’analyse et production de rapports pour appuyer la mise en œuvre du principe de Jordan ainsi que les politiques à long terme et les réformes aux programmes.

  4. Engagement soutenu auprès des Premières Nations, des provinces et des territoires.

Le principe de Jordan ne vise pas le dédoublement de programmes et de services qui existent déjà. Les besoins qui ne sont pas pris en considération dans le cadre de programmes fédéraux et provinciaux existants peuvent être financés en vertu du principe de Jordan. Par exemple, lorsque le Programme des services de santé non assurés (SSNA) ne couvre pas les besoins particuliers d’un enfant, le financement peut être obtenu en vertu du principe de Jordan. Jusqu’à maintenant, du soutien et divers services sont fournis en vertu du principe de Jordan, notamment ce qui suit :

  • Répit
  • Services de santé mentale
  • Soins de réadaptation
  • Services à l’intention des enfants qui reçoivent des soins
  • Transport aux rendez-vous
  • Équipement médical et fournitures médicales
  • Soutien et services en éducation spécialisée
  • Soins de longue durée pour les enfants qui ont des besoins particuliers

Mise en œuvre du principe de Jordan - Qu’en est-il aujourd’hui? Le 1er février 2018, le Tribunal canadien des droits de la personne a rendu une quatrième ordonnance de non-conformité (2018 TCDP 4) contre le gouvernement fédéral en matière de bien-être des enfants Premières Nations. Dans la décision rendue, le Tribunal reproche au gouvernement fédéral de ne pas se conformer à la décision de 2016 et de continuer à traiter de façon discriminatoire les enfants autochtones. Selon la Dre Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l’enfance et à la famille de Premières Nations du Canada, « le Tribunal a constaté que le Canada a priorisé ses considérations financières et non pas le meilleur intérêt des enfants. Le gouvernement a traité certaines des décisions du Tribunal comme des recommandations. Ce ne sont pas des recommandations, ce sont des décisions légalement contraignantes ». En réponse, Services Autochtones Canada a affirmé qu’il rembourserait immédiatement les coûts réels engagés relativement à des services d’aide sociale à l’enfance pour qu’ils puissent aider les familles autochtones et que les enfants puissent être laissés aux soins de leurs parents. Les données de recensement de 2016 montrent que les enfants autochtones composent 7,7 % de la population générale de moins de 4 ans, mais constituent 51,2 % des enfants en centre d’accueil pour le même groupe (4 300 enfants autochtones au total).[1]

Toutefois, depuis 2016, le gouvernement a accompli ce qui suit :

  • Dans le budget de 2016, le gouvernement investissait 635 millions de dollars sur 5 ans pour résoudre le problème de financement des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et offrir du soutien aux fournisseurs de services qui ont été les premiers à répondre aux besoins.
  • Le budget de 2016 prévoyait également 382,5 millions de dollars destinés aux services de santé, aux services sociaux et aux services d’éducation.
  • Depuis juillet 2016, plus de 33 000 demandes de services et de soutien ont été approuvées pour les enfants des Premières Nations en vertu du principe de Jordan, ce qui constitue un pourcentage d’approbation de 99 %.

Le 9 février 2018, Services aux Autochtones Canada a établi un nouveau Centre d’appels qui vise à aider les enfants des Premières Nations à obtenir des services et du soutien en vertu du principe de Jordan. Des personnes-ressources les aideront dans le processus des demandes et les dirigeront vers leur représentant de région.

David Acco est président d’Acosys Consulting Services Inc., entreprise de consultation autochtone, en plus d’être un entrepreneur à conscience sociale. M. Acco est de la Nation Crie-Métis, descendant de Cumberland House en Saskatchewan, et est membre de la Nation Métis - Saskatchewan.

[1] http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2016/as-sa/98-200-x/2016020/98-200-x2016020-fra.cfm

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