La voie à suivre vers un régime national d’assurance médicaments
Depuis des générations, l’idée d’un régime national d’assurance médicaments au Canada refait surface, un peu comme un vieil album photo que l'on sort pour les occasions spéciales, mais que l'on oublie, la plupart du temps, dans un coin de la maison. Une couverture universelle des médicaments offerte à tous les Canadiens a été à l’étude dès la création de l’assurance maladie, en 1964. Elle a été examinée de nouveau dans les années 1990 et 2000. Un rapport publié la semaine dernière vient s'ajouter aux études réalisées antérieurement sur le sujet. Ce rapport recommande au gouvernement fédéral de mettre en place un régime public universel d’assurance médicaments à payeur unique qui couvrirait le coût des médicaments inscrits sur une liste nationale. Le régime, qui coûterait 15 milliards de dollars annuellement une fois en vigueur, serait graduellement mis en place au cours d’une période de huit ans et entraînerait l'élimination des régimes privés d'assurance médicaments à l’intention de 25 millions de Canadiens.
Il y a de bonnes raisons de se préoccuper des écarts qui existent actuellement au chapitre de l'accès aux médicaments pour certains Canadiens. Les médicaments d'ordonnance font plus que jamais partie intégrante des traitements médicaux. Toutefois, ces médicaments coûtent de plus en plus cher et sont inaccessibles aux personnes qui ne bénéficient pas d'une assurance médicaments adéquate. Les Canadiens paient les coûts parmi les plus élevés au monde. En effet, le Canada se classe au deuxième rang à cet égard, juste derrière les États-Unis et la Suisse. Nous savons également que de nombreux Canadiens ont de la difficulté à se procurer les médicaments dont ils ont besoin. Nous pouvons certainement faire beaucoup mieux.
Les assureurs de personnes au Canada croient que nul ne doit être privé des médicaments dont il a besoin en raison de son incapacité de payer. Les assureurs sont prêts à collaborer avec d’autres intervenants pour aider à combler les écarts actuels et à diminuer les coûts du système. Cependant, une réforme doit être effectuée de façon responsable sur le plan financier et cibler les vrais enjeux. Cette réforme ne doit pas non plus mettre en péril ce qui fonctionne déjà pour plus de 90 % des Canadiens.
L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes encourage vivement le gouvernement fédéral à travailler de concert avec tous les intervenants afin d’établir des réformes judicieuses et équilibrées. Nous avons quatre mesures précises à proposer :
Premièrement, les administrateurs de régimes publics et de régimes privés devraient collaborer afin de négocier de meilleurs prix pour l'ensemble des Canadiens. Cela permettrait de tirer parti du meilleur pouvoir d'achat possible dans l’ensemble du pays dans les négociations avec les sociétés pharmaceutiques. Les gouvernements pourraient le faire maintenant, en invitant les administrateurs de régimes privés aux négociations actuelles menées par l’Alliance pharmaceutique pancanadienne.
Deuxièmement, nous préconisons l'établissement d'une liste nationale de médicaments que tous les régimes — publics ou privés — auraient l'obligation de couvrir, au minimum, afin d'assurer une plus grande uniformité à l'échelle du Canada et de combler les écarts actuels.
Troisièmement, les assureurs appuient les mesures annoncées dans le budget fédéral de 2019, notamment la création d'une nouvelle Agence canadienne des médicaments et les fonds qui ont été réservés pour faciliter l'accès aux médicaments très coûteux indiqués pour le traitement des maladies rares.
Quatrièmement, nous croyons qu'il est essentiel d'agir rapidement pour ce qui est de la modernisation du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, afin d'harmoniser les prix des médicaments avec les moyennes mondiales.
L’adoption d’un régime national d'assurance médicaments ne doit pas se faire aux dépens des régimes dont bénéficie actuellement la population. En ce moment, plus de 25 millions de Canadiens ont accès à des médicaments d'ordonnance grâce à leur régime d'assurance médicaments. Ces régimes remboursent des milliers de produits pharmaceutiques que même les régimes publics les plus généreux ne couvrent pas. Nous estimons que 7,7 millions de Canadiens risqueraient de perdre l'accès à des médicaments contre le cancer, la douleur, la dépression et le diabète, si leur régime privé était remplacé, même par le plus complet des régimes publics.
Nous savons que les Canadiens veulent que le gouvernement corrige ce qui ne fonctionne pas, tout en conservant ce qui fonctionne. Selon des sondages d'opinion publique récents, la grande majorité des Canadiens (83 %) veulent que les gouvernements affectent l'argent des contribuables à la couverture des médicaments d'ordonnance pour ceux qui en ont besoin, et non pour les personnes couvertes par les régimes d'employeurs.
Les Canadiens doivent être en mesure de payer leurs médicaments d’ordonnance maintenant. Pas dans huit ans, ni aux dépens des régimes actuels. Les quatre mesures que nous suggérons sont réalisables et abordables à court terme et permettent d'éviter certaines des formules très coûteuses et inutiles qui sont proposées dans le rapport publié la semaine dernière.
Auteur :
Stephen Frank, président et chef de la direction, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes (ACCAP)